Le lambeau fessier

Le bas de l'abdomen représente le site donneur principal pour la reconstruction mammaire autologue. Mais cette source de tissus est parfois limitée, comme par exemple chez les patientes très minces ou chez celles présentant des cicatrices étendues de la paroi abdominale antérieure. Dans ces cas, les fesses offrent une alternative utile au prélèvement de tissus pour la reconstruction du sein.

Le transfert microchirurgical d'un lambeau fessier musculo-cutané pour la reconstruction du sein a été décrit pour la première fois par Fujino et al en 1975. Malgré l'enthousiasme initial, l’utilisation de ce lambeau a été limitée en raison d’une dissection difficile, d’un court pédicule vasculaire et d’une morbidité importante du site de prélèvement. L'avènement des lambeaux perforateurs au début des années 1990 constitue une avancée technique majeure qui popularisera l’utilisation de ces lambeaux fessiers.

Les lambeaux perforateurs de l’artère glutéale supérieure (SGAP) et de l’artère glutéale inférieure (IGAP) utilisent les tissus de la partie supérieure, respectivement inférieure, de la fesse. La morbidité du site de prélèvement est réduite au minimum dans les deux cas, en évitant la résection inutile des importants muscles locomoteurs sous-jacents.

Il en résulte que le lambeau SGAP est notre premier choix pour la reconstruction mammaire autologue après le lambeau DIEAP.


Technique

Les deux lambeaux perforateurs de la fesse, tout comme le lambeau DIEAP du reste, sont uniquement composés de peau et de graisse sous-cutanée. Le lambeau perforateur de l’artère fessière supérieure (SGAP) est basé sur l'artère fessière supérieure (dessins 1, 2), alors que le lambeau perforateur de l'artère glutéale inférieure (IGAP) est basé sur l'artère glutéale inférieure (dessins 1, 3). Les vaisseaux sanguins qui alimentent ces deux lambeaux sont disséqués entre les fibres des muscles fessiers (dessins 4 a, b). Les muscles ne sont donc aucunement lésés par la chirurgie et restent entièrement fonctionnels en post-opératoire. Les vaisseaux (dessins 4c, d) sont ensuite connectés à l'artère et à la veine mammaires internes, se trouvant à côté du sternum.

Les lambeaux perforateurs de la fesse peuvent être modelés en un sein tridimensionnel d’excellente qualité (fig. 4e). La chirurgie remonte un peu la fesse et laisse une cicatrice diagonale qui sera cachée par les sous-vêtements ou le maillot de bain (fig. 4f).

 

Dessin 1

Dessin 2

Dessin 3

 

Dessin 4a

Dessin 4b

 

Dessin 4c

Dessin 4d

 

Dessin 4e Dessin 4f

Dessins 4: Représentation schématique d’une reconstruction par lambeau SGAP: (a) Emplacement de la palette cutanée sur les vaisseaux. (b) Séparation des fibres du muscle fessier pour isoler le pédicule vasculaire. (c, e) Le lambeau composé de peau, de graisse et de ses vaisseaux sanguins glutéaux connectés aux vaisseaux mammaires internes. (d) Résultat après reconstruction à distance suite à une mastectomie radicale modifiée. (f) Cicatrice du site de prélèvement.

 

Avantages

  • Une quantité importante de tissus peut être récoltée à partir de la fesse. Même les femmes minces peuvent avoir suffisamment de tissus pour permettre ce type de reconstruction.
  • Les vaisseaux sanguins qui alimentent les lambeaux perforateurs fessiers sont souvent de grande taille. De plus leur anatomie est moins variable que celle du lambeau DIEAP.
  • L'emplacement de la cicatrice du site de prélèvement n'est pas vraiment visible quand on se regarde dans un miroir.
  • La cicatrice du lambeau SGAP peut facilement être cachée par des sous-vêtements ou un maillot de bain.

Inconvénients

  • La consistance plus ferme des tissus fessiers signifie que le modelage du sein est plus difficile. Une intervention chirurgicale additionnelle peut donc être nécessaire pour parfaire l'apparence de la reconstruction.
  • La palette cutanée des lambeaux perforateurs de la fesse est souvent relativement petite. Lors d’une reconstruction secondaire, en particulier chez une femme mince avec une peau irradiée et indurée, il n’est pas toujours possible de recréer le tombé naturel de la poitrine.
  • Il peut y avoir une certaine asymétrie des fesses, puisque les tissus ne sont prélevés que d'un côté.
  • Le lambeau IGAP laisse une cicatrice dans le pli inférieur de la fesse ou juste en-dessous. Cette cicatrice peut être plus difficile à cacher.
  • La chirurgie du lambeau IGAP peut exposer le nerf sciatique, ce qui peut entraîner des problèmes en position assise.
  • Comme avec toute reconstruction microchirurgicale, le temps opératoire est prolongé. Un lambeau fessier unilatéral prend 5-6 heures et les cas bilatéraux prennent 8-10 heures.
Photo 5a Photo 5b
Photo 5c Photo 5d
Photo 5e Photo 5f

Photos 5: Photos pré-opératoires (a, e) et post-opératoires (b, c, d, f) d'une femme de 47 ans qui avait bénéficié d’une réduction mammaire et d’une liposuccion de la paroi abdominale avant de développer un cancer du sein droit. Une mastectomie d’épargne cutanée du sein droit combinée à une reconstruction immédiate par lambeau SGAP a été réalisée. Une reconstruction du mamelon associée à une réduction mammaire gauche ont été effectués lors d’une deuxième opération afin d’améliorer la symétrie. Bien que la cicatrice du site de prélèvement de la fesse soit clairement visible, elle ne produit que rarement une altération notoire de contour. 

                          Photo 6a
Photo 6b

Photos 6: Photos post-opératoires d'une patiente qui a bénéficié d’une reconstruction immédiate du sein droit par lambeau SGAP libre et d'une reconstruction à distance du sein gauche par la même technique. La reconstruction du mamelon et le tatouage ont été réalisés au cours d’une deuxième opération. Une liposuccion et du lipofilling ont été nécessaires au niveau de la poitrine et de la région fessière (b) pour optimiser la forme et le résultat esthétique.

 

Références

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